Technique d'animation 3/4 : tout comprendre à l'animation 3D en 10 minutes

crédit image :
Toy Story 4, de Josh Cooley chez Pixar
10
minutes de lecture
Le troisième article de cette série s'intéresse à la conception 3D et à ses contraintes de production, de la modélisation au rendu final
publié le
13
October
2021

Vous savez maintenant presque tout sur l'animation, qu'elle soit traditionnelle ou sur ordinateur. Tous ces concepts nous amènent naturellement vers la troisième dimension.

La profondeur

Je vous ai parlé précédemment de l'animation vectorielle, à base de points et de coordonnées X et Y. Et bien, en 3D, c'est presque la même chose, sauf que les points possèdent en plus une coordonnée de profondeur, Z.

En 2D, deux points suffisent pour tracer une ligne et voir apparaître une forme.

En 3D, le plus petit élément visible est un polygone, défini par au moins trois points.

Représentation d'un vecteur 3D et d'un polygone dans l'espace 3D

Les objets ne peuvent donc être que des assemblages de polygones, qui créent des surfaces et donc des volumes.

Pour pouvoir créer un objet, il faut donc l'imaginer entièrement constitué de polygones, puis calculer chacun des points d'intersection de ces polygones.

Et c'est exactement ce qu'ont fait, en 1972, les pères de la 3D moderne, Ed Catmull et Fred Parke, en transformant la main gauche du premier en une combinaison de polygones, et en calculant (à la main) chacun des points d'intersection. Ainsi naquit la toute première animation en 3D.

À noter qu'Ed Catmull, qui ne vous dit sans doute rien, n'est rien moins qu'un des fondateurs de Pixar, et l'ancien président des studios d'animation Disney !

Il faudra cependant attendre 12 ans et l'arrivée de John Lasseter avant d'admirer le premier court-métrage d'animation en 3D, Les aventures d'André et Wally B..

La modélisation

La première phase de la production d'un film en 3D est donc la création d'objets à partir de polygones et cela s'appelle la modélisation.

Aujourd'hui, les algorithmes permettent de créer des objets avec des polygones à quatre côtés. Un cube est donc simple à modéliser : il suffit d'assembler 6 polygones.

Mais modéliser une sphère devient beaucoup plus complexe car en 3D, la seule façon d'arrondir les angles est d'ajouter des polygones.

Donc plus vous souhaitez de détails dans votre scène, plus il vous faut ajouter des polygones, et plus il y a de polygones, plus les calculs deviennent importants, car il ne suffit pas d'ajouter un seul polygone, comme vous pouvez le constater sur l'animation ci-contre (on passe de 6 à 600 polygones).

La puissance de calcul est donc l'un des premiers obstacles à surmonter lorsqu'on crée en 3D.

Animaux Low-Poly de Pavel Novák

Et c'est pourquoi la tendance du Low-Poly s'est dessinée il y a quelques années : des objets construits avec un très faible nombre de polygones, qui deviennent visibles, pour des calculs toujours plus rapides. Une contrainte qui a finalement fait émerger un style.

A contrario, certains logiciels permettent d'aller très loin dans les détails de la modélisation en permettant de sculpter directement dans le logiciel (comme ZBrush par exemple ou même Blender, un logiciel 3D open-source très puissant).

Notre objet à présent modélisé, appliquons-lui une texture !

La matière

Textures venant de la librairie AmbientCG

Le verre a des propriétés réfléchissantes que le sable n'a pas.

Le bois est rugueux, le marbre peut être poli, l'eau diffracte.

Tous ces paramètres sont autant de potentiomètres ajustables qui nous permettent d'imaginer une infinité de matériaux originaux, et qui peut rendre ce travail très chronophage, surtout si on cherche le photoréalisme.

Mais la matière ne montre tout son potentiel que grâce à un élément essentiel d'une scène 3D, la lumière.

La lumière

Et la lumière fût.

Après la création du ciel et de la terre, Dieu créa la lumière (car oui, Dieu est le premier artiste 3D).

Et nous aussi.

Car elle façonne, elle révèle, elle ambiance.

Techniquement, il convient de placer les bonnes lumières aux bons endroits, à la bonne intensité, et à la bonne couleur, à l'instar d'un photographe dans la vie réelle.

Cela semble simple mais ça ne l'est pas. La bonne gestion de la lumière fera toute la différence. La lumière n'est pas qu'essentielle, elle est la vie. Vous voilà prévenus !

Notre objet est maintenant modélisé, matérialisé et éclairé. Comment en tirer une image ?

Le point de vue

Le gros avantage de la 3D est l'utilisation des caméras. Une fois que tout est en place, il suffit de trouver le meilleur angle pour en tirer la meilleure image.

Les caméras 3D ont les mêmes propriétés que les vraies : profondeur de champ, angle de vue, longueur de focale.

Et contrairement à la 2D, on peut regarder devant, derrière, au-dessus sans avoir à recréer quoique ce soit. Et donc proposer des mouvements de caméras originaux.

C'est par le cadrage, et donc le point de vue, que commence la narration  🙂 🔥 !

L'impression photographique

Les objets, les lumières et les caméras sont en place, et le petit oiseau doit maintenant sortir.

En 3D, ça s'appelle le rendu : la machine va calculer le chemin que chaque rayon de lumière va parcourir entre la caméra et les différentes lumières.

Comme vous pouvez l'imaginer, ces calculs sont gérés par des algorithmes très complexes qui prennent beaucoup de ressources sur le processeur de l'ordinateur (le CPU - Central Processing Unit). C'est pourquoi la plupart ont été déportés vers les cartes graphiques (ou GPU - Graphics Processing Unit) afin de réduire les temps de calculs.

The Mandalorian dans un décor 3D (l'écran derrière l'acteur)

L'affichage en temps réel est le graal de tout artiste 3D, et certains environnements comme Unreal Engine permettent aujourd'hui de réaliser des décors réalistes entiers utilisables directement sur une scène filmée. La série The Mandalorian a été la première à l'expérimenter.

Dans tous les cas, il vous faudra une grosse machine avec un maximum de cartes graphiques, ou utiliser des fermes de rendu (des sites remplis de serveurs équipés de cartes graphiques) qui peuvent coûter très chères si votre scène contient des millions de polygones.

Le mouvement

Vous le savez maintenant, l'animation vidéo n'est qu'une succession d'images.

L'animation 3D ne déroge pas à cette règle. Seulement voilà, une seule image peut mettre plusieurs secondes, voire plusieurs minutes à calculer pour les raisons évoquées ci-dessus.

Imaginez qu'une image mette 30 secondes à calculer, un film d'une minute à 25 images par seconde prendrai donc 12 heures de calculs !

Il faut donc non seulement optimiser la scène pour que chaque image se calcule le plus rapidement possible tout en gardant une certaine qualité, mais en plus prévoir le matériel nécessaire à la réalisation de ces calculs, ce qui peut demander un budget conséquent.

La finalisation

En règle général, une animation 3D sort souvent très brut, et intégrer certains effets directement dans le rendu peut très fortement allonger les temps de calcul.

C'est pourquoi il est préférable de passer par une dernière étape de finalisation, nommée compositing. Cela consiste dans l'assemblage de plusieurs sources d'images (photos, image 3D, illustrations) afin de créer une image finale homogène et agréable à l'oeil.

Rendu 3D de Nidia Dias

On ajoute à cette étape un tas d'effets comme le flou de la profondeur de champ, le flou de mouvement, la colorimétrie, le grain (pour simuler une pellicule), la fumée, et plein d'autres effets à la discrétion des artistes.

Il existe des logiciels professionnels dédiés à cette tâche pour le cinéma (comme Nuke), mais en motion design, on utilise largement After Effects.

Et voilà ! Votre film est prêt à être exporté pour être ensuite monté et mixé avec les voix, la musique et le son !

Quelques outils

Pour créer et animer des objets en 3D, vous avez le choix des outils, qui deviennent de plus en plus aboutis.

En motion design, la plupart des studios utilisent Cinema 4D, un logiciel simple à utiliser et dont l'apprentissage est relativement rapide (considérez qu'un logiciel 3D est un logiciel extrêmement complexe à appréhender). De nombreux plugins viennent compléter ce programme, comme les moteurs de rendu Redshift et Octane, ou bien le moteur de particules X-Particles. Zbrush, un logiciel de sculpture populaire, est maintenant intégré à l'abonnement Maxon.

D'autres studios et freelances utilisent aussi 3DSMax, un autre logiciel 3D puissant.

Vous pouvez leur préférer le logiciel Blender, gratuit, et qui permet déjà de créer des scènes complexes, avec un moteur de rendu très performant.

Pour créer des animations de personnage professionnel, les studios se tournent généralement vers le logiciel Maya.

Un autre logiciel très complet, Houdini, est aussi souvent utilisé par les studios de production, mais il est beaucoup plus difficile d'accès car la façon de travailler une scène est très différente de tous les autres logiciels. Celui-ci est à base de noeuds (nodes en anglais).

Enfin, le logiciel Spline est un logiciel 3D en ligne qui permet de créer des images de synthèse directement dans le navigateur, ainsi que des interactions avec les objets 3D. Leur logiciel s'enrichit de fonctionnalités très rapidement et leur communauté est très active.

Vous trouverez aussi en ligne de très larges bibliothèques de modèles 3D, de textures, d'images HDRI, gratuites ou non.

Conclusion

Illustration du duo Cabeza Patata pour Spotify

La 3D a donc de nombreux attraits mais elle est complexe et longue à mettre en place. Elle peut aussi être (très) coûteuse.

Les contraintes liées à cette technique provoque aussi des styles très différents et originaux qui vous permettront de vous démarquer fortement de vos concurrents !

Alors, êtes-vous prêts à vous lancer dans un film en 3D ?

Photo de profil d'Alexandre Sobrier, motion designer freelance
Alexandre Soubrier

Alexandre Soubrier est un motion designer indépendant qui se passionne pour l'illustration et l'animation. Il a créé le podcast Exquises Exquisses dans lequel il s'entretient avec des auteurs-illustrateurs, et produit ce blog.
Contactez-le ici ou sur Linked In.

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